L’origine du mal


L’origine et la raison d’être du péché sont pour bien des esprits un sujet de vive perplexité. Voyant le mal et ses terribles conséquences, ils se demandent comment tant de souffrances et de malignité peuvent se concilier avec la souveraineté d’un être infini en puissance, en sagesse et en amour. Incapables de pénétrer ce mystère, ils cherchent  l’explication dans de fausses interprétations et dans des traditions humaines qui leur ferment les yeux sur des vérités essentielles au salut et clairement révélées dans 1a Bible. D’autres, enclins au doute et à la critique, trouvent dans le fait que, malgré leurs  recherches, ils ne sont pas parvenus à résoudre le problème de l’existence du péché, une excuse pour rejeter en bloc toute la Bible, où sont consignés le caractère de Dieu, sa nature et ses principes à l’égard du péché.

Il n’est pas possible de donner de l’apparition du péché une explication qui en justifie l’existence, mais on en sait assez sur son origine et ses conséquences ultimes pour pouvoir admirer la justice et l’amour de Dieu dans sa manière d’agir en presence du mal. Dieu n’est pas responsable de l’entrée du pécheé dans le monde : rien n’est plus clairement enseigné par les Ecritures. Aucun refus arbitraire de la grâce divine , aucune erreur dans le gouvernement divin n’a donné lieu à un mécontentement et à une révolte. Le péché est un intrus mysterieux et inexplicable ; sa presence est injustifiable. L’excuser, c’est le defendre. S’il pouvait être excusé, s’il avait une raison d’être , il cesserait d’être le péché. La seule définition qu’on puisse en donner est celle de la parole de Dieu : “ le péché est la transgression de la loi ” ; c’est la manifestation d’un principe réfractaire à la grande loi d’amour, base du gouvernement divin.

Avant l’apparition du mal, la paix et la joie régnaient dans l’univers. Tout y était conforme à la volonté du Créateur. L’amour pour Dieu était suprême et l’amour mutuel impartial. Jésus-Christ, Verbe et Fils unique de Dieu, était un avec le Père éternel; un par sa nature, par son caractère, par ses desseins. Il était le seul être de l’univers admis à connaître tous les conseils et tous les plans de Dieu. C’est par lui que Dieu avait créé les êtres célestes. “ Car en lui ont été créées toutes les choses qui sont dans les cieux…, trônes, dignités, dominations, autorités. ” (Colossiens 1 : 16.)  Au Fils comme au Père, l’univers entier était soumis.

La loi de l’amour étant à la base du gouvernement de Dieu, le bonheur de toutes les créatures dépendait de leur parfait accord avec les grands principes de cette loi. Dieu demande de toutes ses créatures un service d’amour, un hommage qui découle d’une appréciation intelligente de son caractère. Ne prenant aucun plaisir à une obéissance forcée, il accorde à chacun le privilège de la liberté morale permettant à tous de lui rendre un service volontaire.

Mais un être voulut pervertir cette liberté. Le péché prit naissance dans le cœur de celui qui, après le Christ avait été le plus hautement honoré de Dieu, et qui était le plus puissant et le plus glorieux de tous les habitants du ciel. Avant sa chute, Lucifer, le Porte-Lumière, était un “ chérubin protecteur    saint et sans tache. “ Ainsi parle le Seigneur, 1’Eternel : Tu mettais le sceau à la perfection, tu étais plein de sagesse, parfait en beauté. Tu étais en Eden, le jardin de Dieu ; tu étais couvert de toute espèce de pierres précieuses. ... Tu étais un chérubin protecteur, aux ailes déployées ; je t’avais placé et tu étais sur la sainte montagne de Dieu ; tu marchais au milieu des pierres étincelantes. Tu as été intègre dans tes voies depuis le jour où tu fus créé jusqu’à celui où l’iniquité a été trouvée chez toi. ” (Ezéchiel 28 : 12-15, 17.)

Lucifer aurait pu conserver la faveur de Dieu. Aimé et honoré des armées angéliques, il aurait pu faire servir ses nobles facultés au bien de son entourage et à la gloire de son Créateur. Mais, dit le prophète, “ ton cœur s’est élevé à cause de ta beauté, tu as  corrompu ta sagesse par ton éclat. ” (Ezéchiel 28 : 12-15.)  Peu à peu, Lucifer se laissa aller au désir de s’élever au-dessus de la position qui lui avait été assignée. “ Tu as voulu te persuader que tu étais un dieu. ... Tu disais en ton cœur : ... J’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu ; je m’assiérai sur la montagne de l’assemblée. ... Je monterai sur le sommet des nues, je serai semblable au Très-Haut . (Ezéchiel 28 : 6, version synodale ; Esaïe 14 : 13, 14.)  Au lieu de veiller à exalter Dieu au suprême degré et à lui assurer la première place dans l’affection de ses créatures, Lucifer chercha à capter à son profit leur allégeance et leurs hommages. Convoitant l’honneur que le Père avait conféré à son Fils, le prince des anges aspira à une puissance dont le Christ seul détenait la prérogative.

Le ciel entier réfléchissait la gloire du Créateur et proclamait ses louanges. Tant que Dieu avait été ainsi honoré, on n’avait connu que la paix et la joie. Mais une note discordante, l’exaltation du moi, troubla soudain l’harmonie céleste. Ce sentiment, si contraire aux  desseins du Créateur, éveilla de sombres pressentiments chez les êtres qui rendaient à Dieu les honneurs suprêmes. Des conseils célestes adressèrent à Lucifer d’instantes exhortations. Le Fils de Dieu lui représenta la grandeur, la bonté et la justice du Maître de l’univers, ainsi que la nature sacrée et l’immutabilité de sa loi. C’est Dieu lui-même qui avait établi l’ordre qui régnait dans le ciel. En s’en écartant, Lucifer déshonorait son Créateur et attirait le malheur sur sa tête. Mais cet avertissement, donné avec amour et compassion, ne fit qu’éveiller un esprit de résistance. Cédant à sa jalousie envers le Fils de Dieu, Lucifer s’obstina.

L’orgueil que lui inspirait sa hlaute situation fit naître en lui le désir de la suprématie. Oubliant les grands honneurs dont il était l’objet de la part de son Créateur, fier de l’éclat de sa gloire, il aspira à l’égalité avec Dieu. Aimé et vénéré des armées célestes, il  surpassait tous les anges en sagesse et en magnificence. Le Fils de Dieu cependant était reconnu comme le Souverain du ciel. Il partageait la puissance et l’autorité du Père, et participait à tous ses conseils. Lucifer, qui n’était pas informé de la même manière de tous les desseins du Tout-Puissant, demandait : “ Pourquoi le Fils aurait-il la suprématie ? Pourquoi est-il élevé au-dessus de moi ? ”

Abandonnant alors sa place en la présence immédiate de Dieu, Le fier chérubin alla semer la discorde parmi les anges. Opérant dans le secret, et tout en cachant d’abord ses intentions réelles sous le masque d’une grande vénération pour Dieu, il s’efforca de soulever le mécontentement contre les lois qui gouvernaient les êtres célestes, affirmant qu’elles imposaient des restrictions inutiles. Il prétendait que, eu égard à leur sainteté, les anges ne devaient connaître d’autre loi que leur bon plaisir. Pour gagner leur sympathie, il donna à entendre que Dieu l’avait traité injustement en accordant les honneurs suprêmes à son Fils, affirmant qu’en aspirant à une puissance plus grande et à de nouveaux honneurs, il ne recherchait pas son propre avantage, mais seulement la liberté des habitants du ciel, leur permettant d’atteindre un degré d’existence plus élevé.

Dans sa grande miséricorde, Dieu supporta longtemps Lucifer. Il ne le destitua pas de sa haute position dès les premières manifestations de son mécontentement, ni même lorsqu’il commença à propager ses idées parmi les anges fidèles. Le pardon lui fut offert à plusieurs reprises à condition qu’il se repente et se soumette. Des démarches que seuls un amour et une sagesse infinis pouvaient concevoir furent tentées pour le convaincre de son erreur. Jamais, auparavant, le mécontentement n’avait été ressenti dans le ciel. Lucifer lui-même ne vit pas tout d’abord son erreur et il ne comprit pas la vraie nature de ses sentiments. Aussi lorsqu’on lui prouva que son attitude hostile n’avait pas de raison d’être, convaincu de ses torts, il vit que l’autorité divine était juste et qu’il devait la  reconnaître comme telle devant le ciel tout entier. S’il l’avait fait, il eût pu être sauvé, et bien des anges avec lui. Il n’avait pas encore, à ce moment-là, levé ouvertement l’étendard de la révolte contre Dieu. Il avait bien abandonné sa position de chérubin pro-tecteur, mais s’il était revenu sur ses pas en reconnaissant la sagesse du Créateur, et s’était contenté de la place qui lui avait été assignée dans le grand plan divin, il aurait été rétabli dans ses fonctions. Mais l’orgueil l’empêcha de se soumettre. S’obstinant dans sa mauvaise voie, il soutint qu’il n’avait pas lieu de se repentir, et se déclara ouvertement en lutte avec son Créateur.

A partir de ce moment, il employa toutes les ressources de sa gigantesque intelligence à capter la sympathie des anges qui avaient été sous ses ordres. Dans l’intérêt de sa perfide ambition et de sa trahison, il n’hésita pas à fausser le sens des avertissements et des conseils que Jésus lui avait donnés. A ceux qui lui étaient le plus attachés par les liens de l’amitié, il fit croire qu’il était mal jugé, que sa position n’était pas respectée, et qu’on voulait porter atteinte à sa liberté. De là, il en vint à attaquer directement le Fils de Dieu, qu’il accusait du dessein de l’humilier devant tous les habitants du ciel. Puis, pour donner le change aux anges restés loyaux, il accusait ceux qu’il ne pouvait tromper et faire passer dans son camp, de trahir la cause du ciel, c’est-à-dire d’agir comme il agissait lui-même. Pour donner de la vraisemblance à l’accusation d’injustice, qu’il portait contre Dieu, il faussait les paroles et les actes du Créateur. Son système consistait à embarrasser les anges par des arguments subtils touchant les desseins de Dieu. Ce qui était simple, il l’enveloppait de mystère ; et, en dénaturant artificieusement les faits, il jetait le doute sur les déclarations les plus formelles de Jéhovah. Sa haute position et ses rapports intimes avec l’administration divine donnaient tant de poids à ses paroles, qu’un grand nombre d’anges embrassèrent le parti de la révolte contre l’autorité du ciel.

Dans sa lutte contre le péché, Dieu ne pouvait employer d’autres armes que la justice et la vérité, tandis que Lucifer pouvait faire usage de flatterie et de mensonge. Falsifiant les paroles de Dieu et calomniant les plans de son gouvernement, il prétendit que Dieu n’était pas juste en imposant des lois et des règlements aux habitants du ciel ; qu’en exigeant de ses créatures la soumission et l’obéissance, il n’avait en vue que sa propre exaltation. Aussi l’habileté, les sophismes et la calomnie dont il usa lui donnèrent-ils au début un avantage considérable.

Masquant ses plans sous une apparence de loyauté, il soutint qu’il travaillait à la gloire de Dieu, à la stabilisation de son gouvernement et au bonheur de tous les habitants célestes. Tout en semant l’insoumission parmi les anges qu’il avait sous ses ordres, il donnait hypocritement à entendre qu’il travaillait à éliminer les causes du mécontentement. En proposant des modifications dans les lois et le gouvernement, il affirmait que, loin d'être en révolte, il ne cherchait qu'à contribuer à la sauvegarde de l'harmonie du ciel et au bonheur de l'univers.

Faisant un pas de plus, il se mit à rendre Dieu et son administration responsables du désordre qu'il avait lui-même créé, tout en se faisant fort de corriger et d'améliorer les statuts de Jéhovah. Il demandait seulement qu'on lui permit de démontrer, en effectuant des changements indispensables, le bien-fondé de ses prétentions.

Dans sa sagesse, Dieu laissa Lucifer poursuivre sa campagne jusqu’au moment où elle éclaterait au grand jour. Ses desseins étaient tellement enveloppés de mystère qu’il était difficile, tant qu’il ne s’était pas complètement dévoilé, de démasquer le chérubin protecteur devant les hôtes célestes qui le chérissaient et sur lesquels il exerçait une profonde influence. D’ailleurs, le péché n’avait encore jamais pénétré dans l’univers de Dieu, et les êtres saints qui peuplaient le ciel n’avaient aucune idée de sa malignité et de ses conséquences.

D’autre part, le gouvernement de Dieu ne s’étendant pas seulement aux habitants du ciel, mais à ceux de tous les mondes créés, Satan (l’adversaire) songea que s’il pouvait entraîner les anges dans sa révolte, il pourrait aussi ajouter les autres mondes à son empire. Il fallait donc que l’univers tout entier comprît le caractère réel de l’usurpateur

et la vraie nature de ses machinations. Il fallait que, devant les habitants du ciel et de tous les mondes, fussent démontrées la justice de Dieu et la perfection de sa loi. Dans l’intérêt de l’univers entier à travers les âges éternels, il importait que chacun pût voir sous leur véritable jour les accusations de Lucifer contre le gouvernement divin. Il fallait, en outre, d’une manière indubitable, que l’immutabilité de la loi de Dieu fût établie et que les accusations du grand révolté fussent condamnées par ses propres œuvres.

Il fallait laisser mûrir le mal. Voilà pourquoi, lorsqu’il fut décidé que Satan ne serait plus toléré dans le ciel, Dieu ne jugea pas à propos de lui ôter la vie. Le Créateur ne peut agréer qu’une adoration fondée sur un sentiment d’amour et une allégeance dictée par la conviction de sa justice et de sa bonté. Or, si la peine capitale avait été infligée au grand coupable, les habitants du ciel et des autres mondes, encore incapables de comprendre la nature et les conséquences du péché, n’auraient pas pu, dans cet acte sommaire, discerner la justice et la miséricorde de Dieu. Si l’existence de Satan avait été immédiatement supprimée, l’univers aurait servi Dieu par crainte plutôt que par amour. Les sympathies qui allaient au chef de la révolte n’auraient pas complètement disparu, et l’esprit d’insurrection n’aurait pas été entièrement déraciné.

Quand on annonça au chef des rebelles qu’il allait être expulsé, avec tous ses partisans, du séjour de la félicité, il afficha hardiment son mépris pour la loi du Créateur, et réitéra son affirmation que les anges n’avaient pas besoin d’autre loi que leur volonté, qui les guiderait toujours dans la bonne voie. Prétendant que les statuts divins portaient atteinte à leurs libertés, il déclara que son dessein était d’obtenir l’abolition de toute espèce de loi, ajoutant qu’affranchies de ce joug, les intelligences célestes entreraient dans une existence plus élevée et plus glorieuse.

A l’unanimité, Satan et ses anges accusèrent le Fils de Dieu d’être l’auteur responsable du schisme, affirmant que s’ils n’avaient pas été réprimandés, ils ne se seraient jamais révoltés. Obstinés et effrontés dans leur rbvolte, et se disant cyniquement les victimes d’un pouvoir oppresseur, le grand rebelle et ses partisans furent enfin bannis du ciel. 

L’esprit qui a fait naître la révolte dans la demeure de Dieu la fomente encore aujourd’hui sur la terre. Satan poursuit parmi les hommes l’œuvre commencée chez les anges. Il règne maintenant sur “ les enfants de la rébellion ” . Comme lui, ceux-ci s’efforcent de supprimer les restrictions imposées par la loi de Dieu, et c’est par la transgression de ses préceptes qu’ils promettent aux hommes la liberté. La lutte contre le péché suscite encore aujourd’hui la résistance et la haine. Quand Dieu Parle aux consciences par des messages d’avertissement, Satan pousse les hommes à se justifier et à chercher de la sympathie. Au lieu d’abandonner leurs erreurs, ils excitent l’indignation, contre ceux qui les censurent, comme si ces derniers étaient la cause du mal. Depuis Abel jusqu’à maintenant, cet esprit s’est toujours manifesté envers ceux qui osent condamner le péché.

C’est en calomniant le caractère de Dieu comme il l’avait fait dans le ciel, et en le représentant comme sévère et tyrannique, que Satan a fait tomber l’homme dans le mal. Ayant réussi, il déclare que ce sont les injustes restrictions de Dieu qui ont amené la chute de l’homme, comme elles ont provoqué sa propre défection. L’Eternel, en revanche, définit son caractère comme suit : “ Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu’à mille générations, qui pardonne l’iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent. ” (Exode 34 : 6, 7.)  En bannissant Satan du ciel, Dieu manifestait sa justice et soutenait l’honneur de son trône. Mais quand, entraîné par la supercherie du grand apostat, l’homme eut péché, Dieu donna une preuve de son amour en livrant son Fils unique à la mort en faveur de l’espèce humaine. C’est au Calvaire que le caractère de Dieu se révéla. La croix prouva à l’univers tout entier que la rébellion de Lucifer n’était nullement imputable au gouvernement de Dieu.

Dans la lutte entre le Christ et Satan, durant le ministère du Sauveur, le véritable caractère du grand séducteur se révéla. Rien ne fut plus propre à éteindre chez les anges et chez toutes les intelligences de l’univers la dernière étincelle d’affection pour Lucifer, que sa guerre cruelle contre le Rédempteur du monde. L’audace blasphématoire avec laquelle il osa demander à Jésus de lui rendre hommage, la hardiesse présomptueuse qui le poussa à le transporter au haut de la montagne et au sommet du temple, la perfidie dont il fit preuve en lui suggérant de se précipiter d’une hauteur vertigineuse, la malignité inlassable avec laquelle il le harcela de lieu en lieu jusqu’à inciter les sacrificateurs et le peuple à renier son amour et à s’écrier : “ Crucifie-le ! Crucifie-le ! ” — tout cela provoqua l’étonnement et l’indignation de l’univers.

C’est Satan qui poussa le monde à rejeter Jésus-Christ. Voyant que la miséricorde, l’amour, la compassion et la tendresse du Sauveur représentaient aux yeux du monde le caractère de Dieu, Satan fit usage de toute sa puissance et de toute son astuce pour le supprimer. Il contesta chacune des prétentions du Fils de Dieu et employa comme agents des hommes chargés de semer sa vie de souffrance et de tristesse. Les sophismes et les mensonges par lesquels il s’efforça d’entraver l’œuvre de Jésus, la haine manifestée par ses sicaires, ses cruelles accusations contre une vie de bonté sans exemple : tout cela dénotait une rancœur séculaire qui se déchaîna sur le Fils de Dieu au Calvaire comme un torrent de malignité, de haine et de vengeance que le ciel entier contempla dans un silence glacé d’horreur.

Son sacrifice consommé, Jésus monta aux cieux, mais il n’accepta les hommages des anges qu’après avoir présenté au Père cette requête : “ Je veux que là où je suis ceux que tue m’as donnés soient aussi avec moi. ” (Jean 17 : 24.)  En accents d’une puissance et  d’un amour inexprimables, le Père fit entendre de son trône cette réponse : “ Que tous les anges de Dieu l’adorent ! ” (Hébreux 1: 6.)  Jésus était sans tache. Son humiliation finie, son sacrifice consommé, il reçut un nom qui est au-dessus de tout autre nom.

Désormais, la culpabilité de Satan était inexcusable. Il s’était montré tel qu’il est : menteur et meurtrier. On comprit que l’esprit qu’il manifestait parmi les hommes qui s’étaient rangés sous son sceptre, il l’aurait introduit dans le ciel s’il en avait eu la possibilité. Il avait prétendu que la transgression de la loi de Dieu ouvrirait une ère de gloire et de liberté : on voyait maintenant qu’elle n’avait amené que l’esclavage et la dégradation.

Les accusations mensongères de Lucifer contre le caractère et le gouvernement de Dieu apparurent sous leur vrai jour. Il avait affirmé qu’en exigeant de ses créatures la soumission et l’obéissance, Dieu demandait d’elles un renoncement et des sacrifices auxquels il n’eût pas consenti lui-même et recherchait uniquement sa gloire personnelle. Or chacun pouvait maintenant constater que, pour sauver une race pécheresse, le Maître de l’univers n’avait pas reculé devant le plus grand sacrifice auquel son amour eût pu consentir ; “ car Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même ” (2 Corinthiens 5 : 19). On vit aussi que Lucifer, assoiffé de gloire et de domination, avait ouvert la porte au péché, tandis que, pour détruire le mal, le Fils de Dieu s’était humilié en devenant obéissant jusqu’à la mort.

Dieu avait témoigné de l’horreur pour les principes de la rébellion, et le ciel tout entier voyait maintenant éclater sa justice, tant dans la condamnation de Satan que dans la rédemption de l’homme. Lucifer avait déclaré que si la loi était immuable et si chaque transgression devait être punie, tout transgresseur devait être à jamais exclu de la faveur du Créateur. Il avait affirmé que l’espèce humaine ne pouvait pas être rachetée et qu’elle était, par conséquent, sa légitime proie. Mais la mort de Jésus en faveur de l’homme était un argument irrésistible : la pénalité de la loi était tombée sur un Etre qui était l’égal de Dieu, laissant l’homme libre d’accepter sa justice et de triompher de la puissance de Satan, de même que le Fils de Dieu en avait été vainqueur. Ainsi, tout en demeurant juste, Dieu avait justifié ceux qui croient en Jésus.

Mais si le Christ est venu souffrir et mourir, ce n’est pas seulement pour assurer le salut de l’homme. S’il est venu pour rendre la loi de Dieu “ grande et magnifique ” , ce n’est pas uniquement pour les habitants de cette terre : son grand sacrifice démontre à l’univers entier que cette loi est immuable. Si elle avait pu être abolie, le Fils de Dieu n’aurait pas dû donner sa vie pour en expier la transgression. Sa mort en prouve l’immutabilité. L’expiation consentie par l’amour du Père et du Fils pour assurer la rédemption des pécheurs démontre — et pouvait seule démontrer — à l’univers entier que la justice et la miséricorde sont à la base de la loi et du gouvernement de Dieu.

Tout en proclamant à l’univers l’immutabilité de la loi, la croix du Calvaire affirme que le salaire du péché, c’est la mort. Ce cri du Sauveur expirant : “ Tout est accompli ” a sonné le glas de Satan. L’issue du grand conflit séculaire était désormais décidée et l’extirpation finale du mal assurée. Le Fils de Dieu est descendu dans la tombe “ afin que, par la mort, il anéantît celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable ” (Hébreux 2 : 14).

Au jugement dernier, quand le Juge de toute la terre demandera à Satan : “ Pourquoi  t’es-tu révolté contre moi et m’as-tu ravi mes sujets ? ” l’auteur du mal restera bouche close. Toutes les lèvres seront fermées et toutes les armées de la rébellion resteront silencieuses.

L’ambition de Lucifer l’avait poussé à dire : “ J’élèverai mon trône au-dessus des étoiles de Dieu. ... Je serai semblable au Très-Haut. ” Dieu a répondu : “ Je te réduis en cendre sur la terre. ... Tu es réduit au néant, tu ne seras plus à jamais ! ” (Esaïe 14 : 13, 14 ; Ezéchiel 28 : 18, 19.)  Lorsque le jour viendra, “ ardent comme une fournaise, tous les hautains et tous les méchants seront comme du chaume ; le jour qui vient les embrasera, dit I’Eternel des armées, il ne leur laissera ni racine ni rameau ” (Malachie 4 : 1).

Dieu a fait de la révolte de Satan une leçon pour l’univers dans tous les siècles à venir, un témoignage perpétuel de la nature et des terribles conséquences du péché. L’application des principes de Lucifer et leurs effets sur les anges et les hommes devaient donner une juste idée de ce qu’il en coûte de braver l’autorité divine. Cette expérience devait prouver que le bien-être de toutes les créatures dépend de la permanence du gouvernement et des lois de Dieu. L’histoire de cette sombre révolte devait être pour tous les anges une sauvegarde perpétuelle révélant définitivement le caractère de la désobéissance et de sa pénalité.

L’univers tout entier aura été témoin de la nature et des conséquences du péché. La totale extirpation du mal qui, accomplie au début, eût été un sujet d’effroi pour les anges et eût terni l’honneur de Dieu, proclamera hautement son amour et établira son honneur devant l’univers fidèle et joyeusement soumis à sa loi. Plus jamais le mal ne reparaîtra. Dieu a fait cette déclaration : “ La détresse ne paraîtra pas deux fois. ” (Nahum 1 :9.)  La loi de Dieu, dénigrée par Satan, qualifiée de joug d’esclavage, sera honorée comme une loi de liberté. Une création éprouvée et restée fidèle ne cherchera plus à déserter celui dont l’amour insondable et la sagesse infinie lui auront été si abondamment manifestés.


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